Démantèlement annoncé du camp Truillot

Rédigé par inconnu Aucun commentaire
Classé dans : Luttes & solidarité Mots clés : Rroms

Ni expulsion, ni bidonville… ni relogement !

Samedi 8 juin 2013. La Fête de solidarité organisée dans le gymnase Joliot Curie en soutien aux Rroms d'Ivry a tout l'air d'un pot de départ. Quelques semaines avant, le maire a en effet annoncé dans un bulletin municipal sa volonté de démanteler le camp rue Truillot — camp qu'il avait lui-même aidé à installer — en demandant un diagnostic social censé permettre aux familles d'être relogées. Ce fameux diagnostic social semble être une solution miracle pour résoudre l'équation-dilemme qui se pose à la municipalité dans l'épineuse question du devenir de ces encombrants résidents : Ni expulsion, ni bidonville ! peut-on lire un peu partout… « Ni relogement ! » pourrait-on ajouter.

Et le diagnostic social, en procédant à un tri commode sur la base de critères définis par l'État, permettrait de s'en tirer à bon compte. Il permet surtout de continuer la politique menée depuis longtemps en la matière, de mettre une couche de vernis sur le démantèlement des camps, de ficher les Rroms pour mieux les expulser. Solution miracle pour les gestionnaires, mais angoisse quotidienne pour les premiers concernés. Comment saisir la complexité des souhaits et des situations concrètes des habitants des terrains au travers d'une dizaine de questions fermées posées, en une ou deux journée d'enquête, par des inconnus n'ayant aucune connaissance de la situation locale ?

Lors de la dernière réunion à laquelle les habitants du camp Truillot avaient été conviés en avril 2013, aucune réponse claire ne leur avait été donnée quant à leur avenir : certains élus disaient qu'ils souhaitaient que tout le monde soit relogé, évitant grâce à une langue de bois aiguisée d'expliquer concrètement ce qui allait se passer. D'autres, faisant ce jour-là preuve de plus d'honnêteté, affirmèrent cependant qu' il ne fallait pas rêver et qu'il y aurait très peu, voire pas, de relogement. Va-t-on donner un logement aux familles les plus « intégrables » ? Les 120 habitants provenant du camp qui avait brûlé en février 2011 vont-ils tous être relogés ? Quels sont les critères ? À la fin de cette réunion, le seul habitant ayant osé prendre la parole indiqua qu'il désirait qu'on leur loue un terrain où ils ne risquaient pas de se faire expulser à tout moment, et qu'ils étaient prêts à payer un loyer en contrepartie plus les factures d'eau et d'électricité. Pourquoi ne pas envisager sérieusement une telle possibilité ? Depuis lors, les habitants du terrain n'ont été conviés à aucune autre réunion, ni lorsque le maire rencontre le préfet pour s'accorder sur le démantèlement du camp, ni lorsqu'il s'agit de trouver une voie de sortie. Faire sans les premiers concernés devient décidément une habitude. À Ivry comme ailleurs, les Rroms et les Roumains pauvres font l'objet d'instrumentalisations malsaines — même si elles sont parfois involontaires.

La première de ces instrumentalisations est celle qui consiste à faire croire que le diagnostic social est un procédé adéquat et juste, pour pouvoir se débarrasser du « fardeau » en tout bien tout honneur. Ce procédé n'est pas adéquat parce qu'en sélectionnant une dizaine de familles, il en laisse une cinquantaine d'autres sur le carreau. Tout juste quelques nuits d'hôtels en guise d'accompagnement. Certes, ces familles ne seront plus sous nos yeux. On les oubliera. Elles auront trouvé refuge temporaire ailleurs, plus loin, jusqu'à ce que de nouveau elles en soient expulsées pour les mêmes motifs : conditions de vie indécentes. Ce procédé n'est pas non plus juste, plus fondamentalement, car il fait appel à une dangereuse logique d'évaluation des bons et mauvais cas, de ceux qui adhèrent au parcours d'insertion ou de ceux qui ne rentrent pas dans le modèle de vie normé que l'État français tente d'imposer. Est-il juste que le fait de ne pas parler français donne moins de droit à un logement ? Est-ce que la propreté du foyer, la recherche active d'un emploi sont des critères légitimes de bonne intégration ? Vient-on vérifier la propreté des foyers français pour évaluer leur accès à un droit ? C'est en effet une logique qui se développe avec les contrôles croissant auxquels sont soumis les chômeurs ou les RSAstes, dont l'administration se croit en droit de juger la moralité. Logique que beaucoup, à Ivry, trouveront, avec raison, inacceptable. Or c'est bien la même logique qui s'applique aux Rroms à travers le diagnostic social. On ne voit pas en quoi elle serait dans leur cas plus acceptable.

La deuxième instrumentalisation dont font l'objet les habitants du camp Truillot est celle qui consiste à monter les gens les uns contre les autres : telle semble être, hélas, la stratégie de la municipalité lorsqu'elle affirme par exemple aux habitants de Gagarine que le projet de rénovation de leurs logements est retardé à cause des Rroms. Diviser pour mieux régner ? En tout cas, la tension risque de s'installer entre les populations. De plus, ce discours alimente malheureusement une rumeur bien en vogue à Ivry : si les habitants aux revenus modestes d'Ivry n'arrivent plus à se loger, s'il y a tant d'attentes sur les listes de logement social, ce serait à cause des Rroms qui seraient prioritaires, entend-on souvent. Rien n'est plus faux. Mais dissiper pour de bon la rumeur nécessiterait d'évoquer le problème des logements vacants, ainsi que l'impact des projets de rénovation urbaine qui construisent du logement social pour les hauts salaires et qui affichent presque sans se cacher leur volonté d'attirer de nouvelles populations… dont on se gardera bien d'aller évaluer la propreté ou la moralité !

Expulser les habitants de ces campements devant les caméras en tenant un discours agressif est un procédé indigne, nous dit le tract du collectif de soutien aux Rroms. Oui, mais démanteler le camp sous couvert de pseudo prise en charge n'est pas plus digne !

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